24 mai 2024
De l’importance de l’expérience utilisateur
Aller à la plage avec des Moon Boots c’est comme utiliser la Comic Sans MS pour un panneau de signalisation STOP ou pour alerter d’un danger. C’est assez, voire totalement inadapté. Aussi, ne pas prendre le temps d’aller à la rencontre des utilisateurs et de faire leur connaissance, c’est prendre le risque de proposer un service / produit complètement inadapté à leurs besoins.
Début digressionEntendons-nous bien, je n’ai absolument aucun reproche à faire à la Comic Sans MS ou aux Moon Boots, tant qu’elles sont utilisées à bon escient. Je ne fais pas partie de ceux qui prennent plaisir à dénigrer la Comic Sans MS, souvent pour suivre la tendance sans pour autant connaître le contexte1. Pour ma part, si l’on s’en tient à son usage premier, je ne la trouve pas si mal fagotée. De plus, j’ai appris à lire avec une police apparentée alors j’aime la rondeur de ses caractères enfantins. Je fais appel à un ressenti, un souvenir, une émotion, c’est là que je souhaite en venir pour établir ce parallèle avec l’expérience utilisateur. Veuillez m’excuser pour cette longue digression, je n’y suis pour rien, la typo, même avec des Moon Boots, me rattrape toujours.Fin digression
Pour en revenir, voire même débuter, avec l’expérience utilisateur il est primordial d’aller à la rencontre de ses utilisateurs car imaginer que de notre propre expérience nous pouvons déclarer qu’il en va de même pour les autres c’est aller au-devant de grandes déconvenues. Si les caractères ronds et enfantins facilitèrent chez moi l’apprentissage de la lecture du fait de leurs caractéristiques ce ne fut pas forcément le cas pour les autres élèves. Pour le savoir, il aurait fallu questionner les élèves. Un autre moyen, bien connu de l’expérience utilisateur ou de la démarche UX, serait d’avoir recours à la recherche secondaire et trouver des études sur le sujet.
Les ressentis et émotions sont propres à chacun et sont régis par une histoire personnelle, des expériences et aussi par un contexte. En effet, les expériences de lecture seront bien différentes que l’on soit dans les transports en commun, dans une bibliothèque ou sur son rocking chair. Le contexte tient un rôle essentiel dans l’expérience utilisateur. Mais aussi, un même contexte, une même situation de départ ou une situation déjà connue va très certainement offrir une expérience encore différente des premières. Reprenons l’exemple de la lecture, imaginez cette fois que vous lisez à la bibliothèque qui habituellement est assez silencieuse mais aujourd’hui un atelier avec des enfants a lieu près de l’endroit où vous lisez habituellement. Votre expérience sera différente. Imaginons encore deux lecteurs dans un bus bruyant. L’un est un lecteur occasionnel et l’autre un lecteur chevronné. Leur expérience sera là encore bien différente.
Tout cela pour dire que l’expérience est le fruit d’un processus psychologique complexe et tenter de comprendre ses rouages sans jamais avoir la moindre certitude peut être difficile mais ce sont toutes ces petites questions que l’on va poser à l’autre tout au long d’une démarche, d’un projet qui permettront de répondre en partie à la plus grande question « Comment puis-je venir répondre à son besoin ? »
Je n’ai pas abordé ici les questions du processus de l’expérience avec son lot de méthodologies car à vrai dire je suis plutôt « junior » sur cette partie. Je voulais surtout exprimer l’idée que je me fais de l’expérience utilisateur. Jusque là, malheureusement, je n’ai jamais pu la partager dans un cadre professionnel où les certitudes ont bien souvent la vie dure…
1. Vincent Connare expliqua ainsi la réussite de sa police au milieu des années 90 : « Parce qu’elle est quelquefois meilleure que Times New Roman, voilà pourquoi ». J’aime beaucoup cette réponse car elle illustre parfaitement la démarche « concevoir comme solution à un problème ». En effet Vincent Connare, jugeait comme « froide et ennuyeuse » la Times New Roman utilisée pour le logiciel Microsoft BOB dont la mascotte était un petit chien rigolo, façon BD. Lors de la sortie du logiciel Microsoft BOB, sans la Comic Sans MS, ce fut un échec. Nul ne sait si c’est à cause des caractères inappropriés mais quand la Comic Sans MS fut adoptée pour Microsoft Movie Maker ce fut un véritable succès. C’est ainsi qu’est née la Comis Sans MS.
GARFIELD (Simon), « Sales caractères, Petite histoire de la typographie », Éditions du Seuil, Mars 2012, p. 15-21